Médecin, Nérée Beauchemin consacre ses loisirs à la poésie. Il fait ses débuts dans les journaux en 1871, puis il fait paraître son premier recueil, Les Floraisons matutinales, en 1897. La critique l'épargne peu, alors il décide de se consacrer à ses patients et à ses dix enfants. En 1928, il publie son deuxième et dernier recueil, Patrie intime. On reconnaît à ce moment l'importance de son oeuvre et on lui accorde une médaille de l'Académie française.
La mer
Loin des grands rochers noirs que baise la marée,
La mer calme, la mer au murmure endormeur,
Au large, tout là-bas, lente s'est retirée,
Et son sanglot d'amour dans l'air du soir se meurt.
La mer fauve, la mer vierge, la mer sauvage,
Au profond de son lit de nacre inviolé
Redescend, pour dormir, loin, bien loin du rivage,
Sous le seul regard pur du doux ciel étoilé.
La mer aime le ciel : c'est pour mieux lui redire,
À l'écart, en secret, son immense tourment,
Que la fauve amoureuse, au large se retire,
Dans son lit de corail, d'ambre et de diamant.
Et la brise n'apporte à la terre jalouse,
Qu'un souffle chuchoteur, vague, délicieux :
L'âme des océans frémit comme une épouse
Sous le chaste baiser des impassibles cieux.
La muse
Bluet aux regards d'améthyste,
Bluet aux yeux de ciel, dis-nous
Ce qui te fait être si triste ?
- J'ai vu ses yeux, j'en suis jaloux.
Et toi, simple églantine rose,
Payse aux lèvres de carmin,
Pourquoi sembles-tu si morose ?
- Je suis jalouse de son teint.
Toi, beau lys, qu'en dis-tu ? - Que n'ai-je
Le fin velouté, la blancheur,
La fraîcheur d'aurore et de neige
De sa diaphane blondeur !
Je comprends votre jalousie,
Ô fleurs, c'est qu'hier, en ces lieux,
Dans sa robe de fantaisie
La Muse a passé sous vos yeux.